" Mon activité s'est mise en place par le biais de rencontres dans le cadre d'événements sur le thème du handicap et par mon réseau professionnel antérieur. "
Marie-Pierre BAROT
Chargée de développement Handicap et Consultante RH
Fondatrice Handi Cap Conseil
Interview effectuée le 05/08/2021
Parle-nous de toi. Raconte-nous ton parcours en toute transparence et spontanéité
Mon parcours s'est décliné en 3 grands domaines :
1 les RH sur des fonctions opérationnelles
- la formation professionnelle (monter des projets professionnels, public adultes, développement des compétences)
- le handicap dans lequel je suis tombée par hasard et où j'ai eu une révélation
Le dirigeant d’une entreprise adaptée a eu l'idée folle de mettre en place le 1er groupement d'employeur pour travailleurs handicapés.
Il avait perçu les difficultés d'insertion des travailleurs handicapés et a eu cette idée dont il m'a parlé par l'intermédiaire d'une collègue.
J'ai trouvé l'idée géniale car elle faisait complètement sens. J'ai besoin de sens pour moi et pour les autres dans ce que je fais.
Je voyais en ce projet l'opportunité de pouvoir utiliser toutes les compétences que j'avais développées et les mettre au profit d'un public fragilisé.
Le tout, toujours lié au développement des compétences, l'insertion ou la réinsertion professionnelle, l'accompagnement des personnes mais aussi des structures et des organisations.
Comment t'es venue l'idée d'entreprendre ?
L'idée d'entreprendre à la base m'a souvent été soumise par mon entourage professionnel et personnel, "pourquoi tu ne montes pas ta boite ?", mais je n'y arrivais pas.
Je me demandais "Mais pour faire quoi ?".
Compte tenu de la diversité de mes compétences, je pouvais partir dans tous les champs. J'ai dû réfléchir à ce que j'avais envie de faire, ce qui m'animait et d'accepter aussi de pouvoir dire haut et fort "aujourd'hui j'ai envie de me faire plaisir". M'épanouir et apporter du sens pour moi et les autres, c'est devenu hyper important pour moi. Avec la cerise sur le gâteau : travailler avec les gens que j'ai choisi et avec qui je partage les mêmes valeurs.
Comment ton passage chez Altitude Conseil t'a impactée dans ton cheminement ?
J'avais du mal à percevoir le fil conducteur dans mon aspect multi-casquettes et multi-compétences engrangées par la diversité de mes expériences.
J'ai commencé à prendre conscience en quoi ces multi-compétences étaient complémentaires et entremêlées lors de la formation Entreprendre Dans Le Conseil que propose Altitude Conseil et à laquelle j'ai participé d’octobre à décembre 2018.
L'accompagnement m'y a beaucoup aidé, notamment pour mettre des mots sur des intuitions et des ressentis, m'amener à définir ce que je voulais faire et à oser ce saut vers l'entrepreneuriat.
C'était un moment fort, matérialisé par la photo d’un saut dans le couloir prise par ma camarade Charlène.
Et là, je me suis dit, “ça y est j'ai fait le saut, j'y vais !".
Mon activité s'est créée avec cette dimension d'accompagnement des personnes mais aussi des organisations.
J'ai conscience maintenant que cela fait partie de ma spécificité et de ma richesse.
C'est cette double approche qui me nourrit, je connais les compétences requises et les freins en entreprises.
Dans quel contexte te trouvais-tu avant de rejoindre le parcours EDLC ?
Quelles difficultés as-tu rencontrées avant de te lancer dans l’entrepreneuriat ?
J'ai fait un burnout fin 2015 où j'ai été arrêtée quelques mois avant de reprendre en mi-temps thérapeutique.
Le retour ne s'est pas passé comme attendu. Moi qui étais directrice d'un groupement où l'on accompagne des personnes fragiles, quand je suis moi-même devenue fragile, le retour a été difficile et s'est soldé par un départ. J'avais perdu le contact avec le terrain qui me nourrissait et me faisait du bien.
Au-delà de ce contexte, la fonction de direction n'était pas suffisante pour moi en termes de sens car j'ai toujours eu besoin du terrain.
Je suis assez pragmatique et j'ai besoin de mettre les mains dans le cambouis sinon je m'ennuie très vite.
J'ai pu alors négocier un départ à 6 mois d'un commun accord tout en préservant la structure.
Je n’avais pas envie de recommencer à travailler tout de suite.
J'ai toujours eu envie depuis tout jeune de faire une mission humanitaire.
Je n'avais plus d'enfant à la maison, c'était le bon moment.
J'ai postulé à une offre de DRH en mission humanitaire qui me motivait énormément et qui correspondait en tout point à mon profil.
Mon recrutement était presque finalisé, j'avais donné la dédite de mon appartement, mais ma candidature a finalement été annulée car mon niveau d'anglais n'était pas suffisant.
Je me suis retrouvée sans emploi, sans logement et sans projet.
L'année 2017 a été un peu difficile.
Comment as-tu rebondi ?
Je suis partie quelques mois dans le Gard dans la maison de mes parents pour me ressourcer et réfléchir à ce que je voulais faire.
Puis j'ai décidé de partir 3 mois à Malte en fin d'année en cours d'anglais intensif, pour que mon niveau d’anglais ne soit plus un frein dans mes projets.
La question s'est alors posée de revenir en France et de choisir là où j’allais poser mes valises !
C'est ainsi que j'ai fait le choix de m'installer à Lyon début 2018 où j'avais vécu auparavant et beaucoup aimé, à proximité de ma fille.
J'ai commencé à chercher du travail mais je n'ai eu aucun retour suite à mes candidatures en réponse à des annonces.
On m'a fait comprendre que j'étais senior alors que j'étais remplie d'énergie, c'était dur et cela m'a fait perdre confiance en moi.
Passé 50 ans ? Plus bankable ?
C'est à ce moment-là que j'ai repensé à monter ma boîte.
J'en ai alors parlé avec ma conseillère Pôle Emploi qui m'a tout de suite orientée vers la formation Entreprendre Dans Le Conseil.
J'ai alors contacté le cabinet en septembre et rencontré Nicolas qui m'a informée de la prochaine session qui démarrait la semaine d'après.
Je me suis dit que c'était peut-être une occasion et une opportunité.
Je venais de perdre mon papa, ce n'était pas la grande forme.
Quand j'ai décidé d'intégrer le groupe, c'était avant tout pour me remettre dans une dynamique de réflexion de mon projet.
Cette idée d'entreprendre me trottait dans la tête et je voulais l'explorer. J'avais besoin de creuser le sujet, de décider d'y aller ou pas en toute connaissance de choses, et de ne plus laisser flotter l'idée.
Et puis après le décès de mon père, l'idée était de ne pas m'enfoncer, rencontrer des gens, réfléchir à plusieurs, bénéficier des expériences des uns et des autres, une manière aussi de rester en vie et de me dynamiser.
Que retires-tu de la formation EDLC ?
On était un petit groupe, pour moi ça a été extraordinaire car la formation m'a permis de passer ce cap qui était difficile, de finir de me remettre de mon burnout , d’encaisser le décès de mon père. Je me retrouvais dans une nouvelle ville, sans boulot, sans projet, à 50 ans.
Elle a été une bouffée d'air qui m'a permis d'avancer sur ma réflexion personnelle.
Mais par-dessus tout, le groupe et l'accompagnement m'ont permis surtout de reprendre confiance.
Je me suis remise en question et remise en selle.
La formation s'est terminée en décembre et j'ai créé mon activité en février 2019 dans le cadre d'une coopérative d'activité chez Elycoop.
Quel bénéfice final as-tu retiré de l’accompagnement ?
J'ai osé tenter cette expérience !
Quel projet d'activité s'est dessiné ?
Ce qui est ressorti, c'est le domaine qui me faisait le plus vibrer : le handicap.
J'accompagne sur 2 volets :
- des entreprises sur le recrutement et l’intégration de personnes en situation de handicap, toujours en lien avec l'insertion ou la reconversion professionnelle
- des structures de formation ou organisations qui forment ou accompagnent des personnes en situation de handicap dans leur projet professionnel
En bref, j'accompagne les personnes et les organisations.
Nous avons trouvé le nom de l'activité dans le cadre de l'accompagnement : Handi Cap Conseil.
Qu’est-ce qui te fait vibrer dans le domaine du handicap ?
Quand le handicap intervient, il y a cette phase où on est amené à accepter, reprendre confiance en soi, réécrire ou réorienter un chemin.
Ce n'est pas simple car il y a beaucoup d'acteurs et les processus sont extrêmement complexes.
Ce qui me plaît, c'est de leur permettre de redevenir acteur de leur parcours. Et il n'y a rien de plus génial que de pouvoir voir les progrès et les avancées qu'ils font.
J'aime les accompagner à ouvrir des perspectives, leur faire prendre conscience de leurs forces, de leur potentiel et leur permettre de prendre un chemin qui est le leur.
Certaines personnes sont persuadées de ne plus jamais être capable de ne rien faire alors qu'elles développent beaucoup de compétences, de savoir-faire et de savoir-être.
Alors nous travaillons sur la transférabilité de ces compétences.
Ma mission : ouvrir des perspectives que les personnes n’imaginent pas car elles ne connaissent pas tous les métiers
Certaines connaissent leur limites, définir quelles sont leurs limites est très important dans un projet de reconversion.
A l'inverse, certaines veulent tellement re-travailler que même s'il y a des contre-indications, elles veulent y aller avec le risque de se retrouver en situation d'échec et de dégrader leur santé.
C'est très riche en termes de relations humaines, aussi difficile, car certaines situations sont particulièrement lourdes.
Il faut savoir garder une certaine distance, trouver la juste place.
Ce qui me remplit de bonheur, de fierté, ce sont les réussites individuelles des personnes, c'est magique !
Se dire qu'à un moment donné, on a amené une petite pierre à cet édifice là, c'est très gratifiant.
Ma récompense c'est leurs retours, comme lorsque j'ai reçu un sms d'une personne accompagnée qui me dit avoir signé un CDI pour un super poste et me remercie d'avoir contribué à ce chemin.
C'est beaucoup d'humilité.
Je suis juste là pour leur montrer le chemin, les recentrer ou ouvrir le champ des possibles.
On identifie parfois des reconversions qui peuvent paraître farfelues.
Comme par exemple, une ancienne couturière qui s'est reconvertie dans le métier d’opératrice en salle blanche (besoin de minutie...).
Comment ton activité s’est-elle développée ?
J'ai démarré mon activité tout de suite après la formation en février 2019. Lors d’un événement handicap j’ai été mise en lien avec une organisation qui accompagnait des demandeurs d’emploi en situation de handicap.
J'ai démarré comme ça, de fil en aiguille, puis ils m'ont recontacté pour d'autres missions d'accompagnement RH.
Aujourd'hui, j'interviens dans 2 domaines : le handicap et l'appui conseil RH.
Quelles étaient tes interrogations et les enjeux pour toi quand tu as lancé ton activité ?
L'enjeu économique, l'idée de pouvoir vivre de mon activité.
Je ne suis pas une commerciale dans l'âme, je suis une développeuse.
Je n'étais pas à Lyon depuis longtemps, donc un des enjeux a été ma capacité à me faire connaître et développer mon activité.
Et finalement, je n'ai même pas fait de prospection.
Mon activité s'est mise en place par le biais de rencontres dans le cadre d'événements sur le thème du handicap et par mon réseau professionnel antérieur.
Quelles étaient tes motivations à entreprendre à la base ?
Ne plus avoir de hiérarchie.
Trouver cet équilibre dans mes activités qui fait à la fois le sens de ce que je veux faire et qui m'éclate.
Ne pas faire toujours la même chose.
Accompagner à la fois des personnes mais aussi des projets et des organisations
Trouver dans tout cela un équilibre car chaque mission ne demande pas la même énergie et ne se facture pas de la même manière.
La crise covid t'a-t-elle impactée ? Comment ? Et comment as-tu rebondi ?
Cela faisait 1 an que j'avais démarré et avec le confinement, tout s'est arrêté du jour au lendemain.
J'ai cru que je ne rebondirai jamais.
J'ai répondu à une offre d'emploi, qui semblait écrite pour moi, un poste à mi-temps pour garder cette multi-activité dont j'ai besoin.
J'ai décroché le poste, dans lequel je m'éclate aujourd’hui, je suis chargée d'étude au sein de l’Agefiph, en charge de la ressource handicap formation.
Une mission comme ça, c'est juste un rêve éveillé pour moi !
A côté de cela, je continue mon activité en tant qu'indépendante où j'accompagne des salariés ou demandeurs d’emploi en situation de handicap pour des associations ou centres de formation.
J'ai également des missions d'appui conseil RH auprès de TPE.
Quelles sont tes satisfactions ?
D'avoir trouvé cet équilibre, de m'éclater vraiment dans ce que je fais, ça c'est un plaisir, d'avoir réussi à fidéliser certains de mes clients, d'avoir su rebondir en fin de missions et aujourd'hui je n'ai plus peur de rien !
Aussi, avoir réussi à passer d’une posture de chercheuse d’emploi à une posture d'offreur de service. Cela s’est fait au travers des expériences, j’ai réussi à poser mon cadre et mes limites et je me sens aujourd’hui légitime.
J’ai même répondu à une annonce de poste en CDI en proposant mes services en freelance et la mission démarre bientôt ! Comme quoi le culot a payé, si l’on m’avait dit ça il y a 3 ans, j’aurais dit “ça va pas la tête !”.
Quels sont tes projets et tes rêves ?
Continuer comme ça avec cette mission à l'Agefiph dans laquelle je m'éclate et me permet de me sécuriser d'un point de vue financier et protection sociale.
Je pense avoir trouvé cet équilibre à tout point de vue donc le garder.
Continuer à être toujours dans une dynamique, construire, on prend des initiatives, on tente des choses, accompagner des organismes de formation et rendre leurs formations accessibles.
Mon rêve c'est de continuer à rencontrer de belles personnes et co-construire avec elles, que ce soit pour de l’accompagnement en situation de handicap ou de l’appui conseil RH.
Ce que ça t'apporte d'être entrepreneuse ?
Cela m'apporte une liberté dans mon organisation.
Après mon burnout, aujourd'hui je vais bien, j'ai retrouvé toute mon agilité intellectuelle mais je n'ai jamais récupéré totalement physiquement, je me sens plus fatigable, je sais aussi que j'ai des limites.
C'est aussi l'organisation qui est la mienne qui me permet de me préserver et de maintenir des sas de décompression.
Je sais que je suis au vert, je peux me ressourcer, j'ai besoin de me préserver des demi-journées car je ne tiens plus sur la durée.
J’ai besoin de cette souplesse et de cette liberté-là.
Comment arrives-tu à t'organiser et rester productive en cumulant plusieurs missions ?
C'est très sportif, j'ai même dû caler 3 mi-temps à un moment.
J'avais 3 ordinateurs, j'ai rajouté une rallonge, mais c'était trop.
Quand je suis engagée sur quelque chose, je ne lâche pas.
Cela nécessite d'être extrêmement organisée, faire aussi comprendre à ses clients qu'il y a un temps pour tout.
Finalement ça se passe très bien, je suis sortie de cette espèce d'urgence de réponse à la seconde, cela s'est fait de manière assez naturelle.
Rester flexible et séquencer mon temps et mon esprit.
C'est important de bien poser les limites avec ses clients et de bien leur faire comprendre qu'ils ne sont pas tout seuls.
Quel conseil donnerais-tu aux futurs entrepreneurs ?
D'y croire et de foncer !
Ton motto :
Je pars du principe qu'il n'y a pas de hasard dans la vie, je crois aux synchronicités.